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egalibre, blog de Nathalie Szuchendler
20 juin 2007

Affaire Sohane : Brûlée, méprisée, oubliée

Le 04 octobre 2002, Sohane est aspergée d’essence et brûlée vive dans un local à poubelles de la cité Balzac de Vitry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne. En 2006, Tony Rocca est condamné à hit ans pour complicité d’acte barbare. Il a fait appel. Le verdict a été rendu le 14 juin : dix ans. Patrick Klugman, avocat de la famille de Sohane aux côtés de Francis Spizner, revient sur ce procès en appel…

Marianne Dautrey : Comment Tony Rocca a-t-il pu faire appel ? 

Patrick Klugman : C’est la question fondamentale. Tony Rocca a été condamné à huit ans, il en a fait cinq, durant lesquels il n’a pas eu de dossier disciplinaire : chaque année en détention lui a fait gagner environ trois mois de peine. S’il n’avait pas fait appel, il aurait été dehors dans les six mois ! On pouvait penser donc que sa demande d’appel était celle d’un homme voulant crier son innocence et être lavé. La question lui a été d’emblée posée par Francis Spizner, avocat de la famille de la victime. Or la réponse qu’on a entendue  n’a pas été « je suis innocent », ni « j’ai compris que ce qui est arrivé est horrible », ni même « j’ai des choses à dire que je n’ai pas dit ». Non, ce qu’on a entendu a été une déclaration stupéfiante de celui qui a été le complice nécessaire, sans qui rien ne pouvait se faire : « Je n’ai pas tenu la porte. »

Et il a ajouté : « mais si Nono m’avait demandé de la tenir, je l’aurais tenue. Parce que Nono est mon pote. » Là, on a réalisé que ce type n’avait rien compris. La mémoire de la victime, la douleur de la famille, tout cela ne signifie toujours rien pour lui.

Donc, les dix ans qu’il prend sont une vraie décision de justice…

La cour d’assises a rempli sa fonction de réparation : les choses les choses ont repris un sens et ont été remis à leur place- la douleur de la famille, la gravité des faits… Et ce qu’on y a jugé, à travers Tony Rocca,est aussi la cause des femmes. Spizner n’a pas rappelé en vain

que tout les matins, avant de venir plaider à Bobigny, nous passions sur la passerelle Marie-Claire, femme jugée pour avoir commis un avortement lors du fameux procès de Gisèle Halimi en 1972. Dailleurs, la ligue du droit des femmes était présent ai procès.

On n’est pas face à un crime sexuel, mais face à un crime machisme où la barbarie ne suppose même aucun sadisme. A aucun moment Sohane n’accède au statut de personne humaine aux yeux de ces hommes, ni à ceux des habitants de la cité. Elle n’a jamais existé. Même brûlée. En 2003, quand Nono et Rocca arrivent menottés à la cité pour la reconstitution des faits, ils sont applaudis. Une stèle devait être érigée à la mémoire de Sohane, la municipalité l’a refusée. Finalement, elle n’est posée que pour être cassée peu après.

« Pour les enfants de la cité, Sohane n’a jamais existé. »

Les cinq ans de prison qu’il a effectués n’ont servi à rien ?

On sait bien que la prison est le lieu de tous les traffics. Mais ce qu’on connaît moins est la porosité entre la vie des cités et celle de la prison. La prison entre dans la vie des jeunes des cités comme un incident désagréable, qui peut arriver à tout moment. Elle en fait partie, comme une simple maladie. Ces jeunes, incapables de rien faire le reste du temps, savent se mobilisre pour la visite d’un copain en prison.Ce qui est une vraie démarche : il faut un permis de visite, y aller, attendre au parloir.. En prison, comme chez eux, ils passent leur temps devant la télé ou la console vidéo,ils fument du shit… Le vrai problème est queil manque une politique pénale d’exécution des peines. Pour que ces personnes deviennent plus conscientes, plus fières d’elles-mêmes, il  faudrait un travail, un suivi sur mesure, une fois la sanction prononcée. Le texte de loi qu’one est en train de promouvoir prévoit la prison comme la seule réponse à la récidive. Or la prison est l’école de la récidive !

Marianne Dautrey

in Charlie-Hebdo du 20 juin 2007

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