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egalibre, blog de Nathalie Szuchendler
9 septembre 2007

Mozambique : La Trinité contre la trithérapie

Dans l’une des pays les plus pauvres du monde, un groupe de missionnaires très actifs promet la guérison du sida par la magie du Saint-Esprit.

Petite annonce lue dans un journal local, à la frontière entre l’Afrique du Sud et le Mozambique. « Suite à l’évolution de notre activité, et l’urgente nécessité d’obtenir des disciples au Mozambique, nous avons un besoin sérieux de trois disciples de Jésus ». Et l’annonce de prévenir: « le travail est dur, souvent peu gratifiant, les conditions sont pénibles. Mais vous travaillerez pour Dieu » Signé Missionary Mozambique Outreach, groupe très actif de mystiques évangélistes crée en 1991 par un couple d’Australiens, Greg and Jay Cumming qui ont décidé d’assister les mozambiquains. Il y a de quoi. Un pays ravagé par des décennies de guerre civile, un nombre de sidéens pharamineux. Le groupe a été créé par Greg and Jay Cumming un couple d’australien – après que Dieu leur ait enjoint en songe de préparer les mozambicains à « accepter le cadeau de Dieu qu’est le salut de leur âme à travers Jésus-Christ ».

Au programme conversions publiques d’animistes, de catholiques et de musulmans, de temps en temps un exorcisme – comme dans ce village où les missionnaires se sont vanté d’avoir retiré quatre démons du corps de l’institutrice » -, et naturellement guérisons miraculeuses.

Dans un pays ravagé par des décennies de guerre civile et comptent un nombre de sidéens faramineux, ce ne sont pas les brebis qui manquent. Le taux de prévalence de la maladie est de 15% et le sida pourrait être la cause d’un décès sur trois d’ici 2010. Voire plus si les évangélistes qui prônent la prière en guise de trithérapie prolifèrent.

Cela étant, l'annonce ne ment pas : le boulot n’est pas des plus agréables. Comme en témoigne Cheema, missionnaire australienne du groupe, la sainteté est surtout une affaire de tripes bien accrochées: « Il y a une petite fille a l’église qui a le sida. Agée de dix ans, elle a d’horribles ulcérations sur le visage. Personne ne veut la voir, ou même s’asseoir a ses cotés. Elle rend ses compatriotes mal a l’aise. Elle a la gale mais elle dit qu’elle se sentait guérie après que nous ayons prié pour elle. Je suis allée la chercher, j’ai pris sa main moite et je me suis assise a côté d’elle. J’ai du lutter contre l’odeur de ses plaies et j’ai même eu du mal à la regarder… »

Sauvée par la mort

En dépit de l’aspect en effet «peu édifiant » du sacerdoce, le groupe recrute à tour de bras. Pas besoin de formation théologique. Il suffit d’avoir une « bonne réputation, la foi, et être rempli du Saint-Esprit ». Apres quelques semaines d’entraînement à l’évangélisation et à l’imposition des mains, vous voilà pasteur et en charge d’un village.

Les plus expérimentés sont chargés de la conversion des musulmans. Début août, le groupe s’est attaqué à la région où habitent les Yao, qui accueille des refugiés du Malawi. Dans cette région, la moindre décision, même la plus intime des chefs de village se répercute automatiquement sur tous les habitants. Un des pasteurs s’est donc installé dans un village et a fait une lecture publique d’une sorte de résumé de la Bible, promettant la survie après la guerre et l’arrivée de Jésus sur un cheval blanc, vêtu d ‘une une robe sanguinolente et une épée dans la bouche. Il s’est ensuite lié avec un fils du chef. Emu, le père s’est fait baptiser, entraînant avec lui tous les villageois musulmans. Et cela en moins d’une semaine.

L’autre moyen de devenir missionnaire est de guérir miraculeusement du sida. Ce fut le cas de Palestina, « sauvée » de la maladie en juin 2002. Dans sa nécrologie publiée en mars 2003, on peut lire qu’elle a, dès sa « guérison », épousé un pasteur du groupe. Avant sa mort, on lui avait confié un refuge accueillant 2 500 veuves, à qui elle enseignait les vertus de la prière et les dangers des médicaments…

Fiammetta Venner

in Charlie-Hebdo du mercredi 05 septembre 2007

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