Accompagnement scolaire en voile : la HALDE se trompe (Nadia Amiri)
Depuis le mois de juillet je contribue, avec Ziad Goudjil (HDM) au Collectif qui souhaite exprimer son inquiétude quand à une décision de la HALDE. Une femme qui souhaitait faire de l'accompagnement scolaire tout en portant un voile s’est vue opposé un refus. Après avoir porté plainte cette dernière s'est trouvée confortée par l'avis de la Halde considérant qu'il y avait discrimination. Or nous estimons que l'accompagnement scolaire implique de fait un rôle pédagogique.
Vous le savez j'ai été conseillère ministérielle lors de la création de la HALDE, j'ai pu juger de la nécessité d'un organisme indépendant par l'importance quantitative et qualitative des témoignages de nos concitoyens. La directive européenne qui imposait la création d'un lieu de recueil de données des pratiques discriminatoires avec pouvoir de conciliation, d'investigation, et de publication des ses décisions ; était une étape importante contre des pratiques inégalitaires particulièrement dans les domaines des emplois et des accès au logement.
Aujourd'hui il serait judicieux d’évaluer l’impact d’une telle décision quand il s'agit de valider un signe de suggestion alors que nombre de femmes à travers le monde se battent pour se libérer de cette obligation. La France doit s’honorer de ses acquis dans le domaine des droits des femmes même s’il y a encore de nombreuses améliorations a imposer dans le champ de l’égalité des salaires et de la lutte contre les violences par exemple. L’avis qui a été émis entre en contradiction avec les principes d'une république laïque et émancipatrice parce qu’il prend le risque de définir une norme culturelle ou cultuelle.
Nous sommes nombreux (ses), citoyens français d'origine étrangère à refuser que nos enfants soient confrontés a cette tenue vestimentaire par des femmes qui, de fait, ont autorité avec fonction d'encadrement et de pédagogie. Il faut réaffirmer le droit qui ne peut, en aucun cas, être un droit inspirée par la charia. Les avis religieux même indirects ne peuvent être édictés par un organisme public. Prenons garde à ne pas contribuer aux confusions multiples qui agitent notre société. Sous prétexte de diversité, d'égalité et de lutte contre les discriminations les choix opérés dans de nombreux domaines risques de porter atteintes à ces mêmes principes quand la forme s’éloigne du fond. La diversité consiste à faire des choix citoyen au-delà des appartenances religieuses, la lutte contre les discriminations et l’égalité ne consiste pas valider l’assujettissement. Les principes d'une république laïque et émancipatrice doivent respecter une spiritualité privée sans mise en scène de pratiques rétrogrades, particulièrement dans le contexte de délégation à visée éducative.
Par exemple Il faudrait selon l’avis de la HALDE demander aux enfants d'étudier dans un musé la représentation de Marianne dont les seins nus symbolisent l’émancipation quand ils sont accompagnés par une femme en burka ou en voile : laquelle des deux femmes symbolise la république démocratique laïque et sociale ?
Etre républicain ne consiste pas à seulement l'affirmer mais à passer à l'acte, chacun de nos choix et de nos décisions doivent éclairer l'avenir non l'obscurcir. Merci de diffuser ce texte ...
Nadia AMIRI
Association Histoires de Mémoire
Laïcité - Nadia Amiri : " Mon corps m’appartient "
La féministe se souvient des silences et des paupières baissées des femmes.
Nadia Amiri, chercheuse en sociologie à l’EHESS, est l’aînée d’une famille de six enfants. Elle est arrivée en France en bas âge et a atterri, avec ses parents, dans une HLM de la région parisienne. L’adolescente écorchée vive s’est métamorphosée en une militante. Elle sillonne les banlieues, invitée par des associations désireuses d’entendre des voix contraires à celles qui, voilées, manifestent ostensiblement dans les rues de France. Parole.
" À l’adolescence, il a fallu me battre pour accéder au bac général. Inconsciemment ou consciemment, les enfants d’ouvriers, de surcroît d’origine étrangère, sont "sélectionnés" pour être orientés dans des filières professionnelles. Mes parents ne pouvant payer l’université, j’ai accepté de signer un contrat avec l’hôpital qui m’assurait le SMIC durant toutes mes études, à condition toutefois de m’engager à travailler dans le service public. Par la suite, j’ai voulu prendre ma revanche, et j’ai pu décrocher un DEA en sociologie avec mention bien. J’ai vécu cette injustice au plus profond de mon être. Parce que j’étais une enfant d’ouvrier - mon père faisait les trois-huit à Flins -, je n’avais pas les mêmes chances de réussite que les autres. Mon origine sociale et ethnique était automatiquement disqualifiante. Moi, je savais que j’avais des compétences, mais le regard de l’Autre t’enferme, te ramène à des idées préconçues.
L’autre blessure, toujours à l’adolescence, a été mon conflit intra-familial. J’ai dû fuguer de la maison afin de ne pas subir les préjugés de mes parents sur le devenir d’une femme. Ils étaient perdus entre leur propre culture et celle dans laquelle j’évoluais. Je ne leur en veux absolument pas, ils sont le fruit de leur histoire. En revanche, je suis en colère contre tous ceux qui détournent leur regard des filles issues de l’immigration pour ne pas voir leur souffrance. Qu’ont-ils vu de mes larmes ? Je rappelle que les filles d’origine étrangère sont en tête du taux de suicide. Celles qui s’habillent comme moi sont qualifiées par les intégristes, tel Hani Ramadan (1), de personnes " occidentalisées ". Pour lui, il n’y a pas d’alternative entre les femmes voilées et les femmes " occidentalisées ". Pour moi, l’émancipation consiste à avoir les outils en main pour ne pas accepter les dépendances, qu’elles soient financières ou intellectuelles. Mettre en jeu son esprit critique à chaque instant, dans le couple, avec ses amis, avec ses camarades politiques, syndicalistes ou associatifs.
Mon féminisme, c’est sans doute ce besoin de transmettre, de génération en génération, ce qu’ont été nos silences, nos paupières baissées devant les hommes, nos cheveux attachés pour ne pas " exciter " le désir. Le débat actuel devrait davantage mettre l’accent sur les douleurs tues des filles issues de l’immigration qui refusent la soumission et veulent leur liberté et leur autonomie. Je n’accepte pas l’insulte "raciste", "colonialiste" ou "islamophobe" quand on soulève ce débat. Est-ce être raciste que de considérer que toute femme, quelle que soit sa couleur de peau, son origine ou sa religion, a les mêmes droits sur notre planète ? Moi aussi, j’ai le droit de revendiquer le slogan "mon corps m’appartient". Pour de nombreuses filles, il signifie qu’elles refusent le mariage forcé ou le contrôle de la virginité.
La France est un horizon d’attente pour les femmes, en tout cas pour mes cousines d’Algérie. C’est un rêve. Pas simplement pour son beaujolais et son camembert, mais d’abord et surtout pour la liberté. Être libre, ne serait-ce que de siroter une boisson dans un café, avec ses amis ou son copain, au regard de tous. À l’heure de la mondialisation, il faut faire référence à des pratiques planétaires quand cela concerne l’oppression des femmes. Avec la parabole, toute l’Algérie est à l’écoute du débat sur le voile islamique, cette prison que l’on porte sur soi-même.
J’estime ce débat utile, d’autant que, depuis 1905, la population française s’est transformée. Et l’islam a pris un poids considérable. Dans ce cadre, il est tout à fait normal d’assister à des conflits et à des tensions. Je préfère le débat, à condition qu’il ne soit pas truqué, aux non-dits qui, souvent, entraînent une sanction dans le vote lepéniste. "
Propos recueillis par Mina Kaci
(1) Tribune de Hani Ramadan dans France-Soir du 3 février 2004.
L'humanité, Article paru le 6 février 2004