Emmanuelle Mignon : mains jointes et cierge droit
On la présente comme le cerveau de Sarkozy. Plus précisément, Emmanuelle Mignon en serait l'hémisphère catholique. Celle qui a alimenté le débat avec ses déclarations sur les sectes et le « non-problème » de la Scientologie pilotait déjà Nicolas Sarkozy dans le sens du bénitier lorsqu'elle était sa conseillère technique au ministère de l'Intérieur. Ça ne s'est pas arrangé lorsqu'elle a été promue directrice de cabinet à l'Elysée.
Jusqu'ici, on la connaissait essentiellement pour deux dossiers : la double peine et le plan banlieue. Quand Sarkozy, fraîchement arrivé Place Beauvau, veut réformer (mais pas trop) la double peine en 2003, cette ex maître des requêtes au Conseil d'État estime que cette peine n'est pas « contraire au principe d'égalité », Quand, en 2007, Fadela Amara peine à accoucher d'un plan banlieue qui tienne la route, elle est chargée de pondre une copie de remplacement, baptisée plan « Espoir banlieue ». Tout un programme, quand on sait que chez Sarkozy l'espérance est toujours plus spirituelle que sociale. Et qu'Emmanuelle Mignon est pour beaucoup dans cette inspiration.
Le curé avant l’instit’
Sortie major de l'ENA (promotion René-Char, 1995), elle est passée par les Scouts unitaires de France, dont le fanion est une fleur de lys et l'idéal, un catholicisme radicalement ancré à droite. Elle ne le cache pas, plusieurs de ses amies ont échoué au monastère de Paray-le-Monial, le bastion des charismatiques. Et, visiblement, elle a gardé des liens avec ce milieu: c'est elle qui a mis Sarkozy en relation avec l'un de ses anciens amis scouts, Philippe Verdin, devenu entre-temps prêtre dominicain. C'est elle aussi qui propose à Sarkozy d'écrire un livre sur le religieux, sans trop oser y croire. Miracle: Sarkozy adore l'idée. Et le livre — un véritable réquisitoire contre la laïcité à la française — paraît aux Éditions du Cerf en 2004. Dans ce livre, le ministre de l'Intérieur n'a pas de mots assez enthousiastes pour décrire le « dynamisme évidemment positif » des évangélistes et des « nouveaux mouvements spirituels »—que les associations de vigilance appellent plutôt des sectes...
Bien sûr, quand Sarkozy doit rencontrer Benoît XVI et prononcer un discours à la basilique Saint-Jean-de-Latran à Rome, c'est elle — épaulée par le père Verdin — qui guide la plume. On lui doit notamment cette inoubliable affirmation : « Dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre te bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer te pasteur ou le curé. » Et quand, après le Vatican et Riyad, le président de la République va faire un tour au CRIF pour équilibrer, c'est encore elle qui monte au créneau pour défendre l'idée du parrainage des enfants juifs morts en déportation par des élèves de dix ans. Chargée du verrouillage de l'information, elle avait signé en décembre dernier une note à l'intention des conseillers du président, pour leur interdire toute communication extérieure sans autorisation exceptionnelle. Visiblement, elle ne se l'est jamais envoyée.
Fiammetta Venner
in Charlie-Hebdo du mercredi 27 février 2008