Benoit XVI et la grenouille par qui arrive le blasphème
Le pape Benoit XVI a dénoncé le caractère blasphématoire d'une œuvre d'art exposée en Italie et figurant une grenouille crucifiée. Symbole traditionnel de la météo ou animateur-vedette d'un célèbre show télévisé, le batracien appelé "grenouille" a aussi fait l'objet d'une sculpture réalisée par l’artiste allemand Martin Kippenberger (1953-1997). L'œuvre représente en effet l'animal supplicié qui tire la langue en tenant une chope de bière dans une patte et un œuf dans l'autre. Censée représentée l'auteur, elle s'intitule “autoportrait de l’artiste en état de crise profond”. Exposée au musée d’art moderne de Bolzano, dans le nord-est de l'Italie, au début de l'été, ce sont les élus locaux de la ville, le ministère italien de la culture puis le pape qui ont été pris d'un coup de sang.
En mai dernier, le président de la région de Bolzano, Luis Durnwalder, avait demandé au musée de retirer la sculpture présumée provocatrice "dans une région à 99% catholique". Au mois de juillet Franz Pahl, un élu en état de choc, avait entamé une grève de la faim pour contester l'exposition de l'amphibien jugé blasphématoire dans le musée de sa ville. Aussi sous la pression d'élus locaux, l'œuvre exposée à l'entrée de la galerie a été transportée au troisième étage de l'établissement. La directrice du musée, Corinne Diserens, a néanmoins refusé de censurer cette production, évoquant une "instrumentalisation d'une œuvre à des fins politiques". D'autant plus qu’il était affiché une “note d’information” expliquant “la valeur artistique et le contexte où naquit l’ouvrage”. Sandro Bondi, ministre "berlusconien" de la culture, a jugé le 28 août que "non seulement cette œuvre blesse le sentiment religieux de nombreuses personnes qui voient dans la croix le symbole de l'amour de Dieu, mais elle offense aussi le bon sens et la sensibilité de ceux qui ne se reconnaissent pas dans ce symbole". Et de conclure : "Je serais heureux que les institutions publiques ou financées par le public n'exaltent pas uniquement l'art désacralisé, les provocations inutiles ou le non-sens". Enfin l'évêque de Bolzano, Wilhelm Egger, s'était entretenu de l'affaire "de la grenouille" lors d'une rencontre avec Benoit XVI qui passait ses vacances dans la région... Le Vatican avait alors immédiatement contacté au mois d'août le gouvernement régional, pointant dans son courrier la peine provoquée par cette représentation auprès des croyants qui "voient dans la croix le symbole de l'amour de Dieu".
D’autres protestations se sont fait entendre en Italie, celles d’amateurs d’art et de créateurs, et visent à soutenir non seulement l’exposition en question, mais aussi la liberté d'expression menacée dans cette affaire apparemment anecdotique. Exhibée sans problème à Londres, Venise, New York et Los Angeles, puis en 2004 au musée de Laguna Beach en Californie, dans le cadre d’une exposition intitulée “100 artistes voient Dieu”, la sculpture de l'artiste polyvalent M. Kippenberger a ainsi jeté l'anathème dans la ville de Bolzano où l'on tente visiblement de limiter la vie d'une grenouille au cadre stricte du bénitier.
Nathalie Szuchendler
03 septembre 2008
Article Nath Szuchendler consultable in
Paru dans Respublica N° 597