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egalibre, blog de Nathalie Szuchendler
9 mai 2008

Etat Unis : Obama piégé par la "laïcité positive"

Le candidat à l'investiture démocrate est en difficulté à cause des déclarations de son directeur de conscience. Effet pervers de la laïcité à l'américaine, chère à Nicolas Sarkozy.

Si Barak Obama s'était présenté aux élections en France, il aurait sûrement eu droit à la flopée d'articles demandant si sa "couleur" représente un atout ou un handicap. Comme Ségolène y a eu droit en tant que femme. Mais il ne risquerait pas de perdre l'investiture à cause des sermons de son pasteur et directeur de conscience. D'ailleurs, personne ne saurait s'il a ou non un directeur de conscience. Aux États-Unis, "laïcité positive" oblige, aucun débat politique ne peut avoir lieu sans que les candidats étalent leur appartenance religieuse. Au risque de voir leurs programmes dépendre du moindre commentaire de leurs Églises ou de leurs tuteurs spirituels.

Mon pasteur chez les paranos

Dans ce pays, où l'on pioche d'ordinaire le président parmi l'innombrable liste de candidats protestants, il faut être JFK pour être élu, bien que catholique. Et il faut être sacrement doué — ou avoir Bush }r. comme président sortant — pour être à ce niveau de popularité lorsqu'on s'appelle Barak Hussein Obama, que l'on est métis et de père musulman. Pour se prévenir de tout soupçon, le candidat démocrate a d'ailleurs revendiqué haut et fort sa foi chrétienne. Raté, son pasteur est noir, et il est encore plus déchaîné contre l'Amérique qu'un Frère musulman...

Il faut entendre le pasteur Jeremiah Wright haranguer ses fidèles avec le ton exalté des prédicateurs américains : « Honte à l'Amérique ! Dieu maudisse l'Amérique! » Ou dire, à propos du ii septembre : «Vous ne pouvez pas pratiquer le terrorisme envers les autres et ne pas vous attendre à un retour de bâton» Le pasteur Wright ne se contente pas d'attaquer l'Amérique de Bush, comme tout bon citoyen américain pacifiste ou simplement doué de raison. Il donne trop souvent le sentiment qu'il maudit l'Amérique... par haine de l'Amérique blanche. Ce qui est plus embarrassant quand on est le directeur de conscience d'un homme aspirant à incarner la nation américaine...

Aux États-Unis, le christianisme a permis aux enfants d'esclaves de se libérer des chaînes de la ségrégation, mais l'universa-lisme chrétien d'un Martin Luther Ring n'a pas triomphé du différentialisme américain. Aujourd'hui encore, malgré la fin de la ségrégation, la plupart des Églises protestantes ne sont guère mixtes. L'Amérique noire n'a pas inventé le culte de la "différence" et le ghetto qui va avec, elle le subit... Mais elle s'est laissé prendre au piège.

La Trinity Church du pasteur Wright s'inscrit dans une tradition très progressiste, celle de la théologie de la libération, qui pourrait rassembler les classes pauvres. Et pourtant elle s'adresse à la "communauté noire", parle de "valeurs noires" et semble bien avoir fini par croire au culte de la "différence", au point de céder parfois à la paranoïa. Ainsi, Jeremiah Wright n'exclut pas que le gouvernement ait pu créer le sida: « Sur la base de ce qui est arrivé aux Africains dans ce pays, je crois le gouvernement capable de tout. » Par solidarité "ethnique", il refuse de critiquer le fanatisme musulman et l'antisémitisme d'un Louis Farrakhan, leader de Nation of Islam, qu'il décrit comme «l'une des voix les plus importantes du XX ème et XX ème siècle» 

Mélange des genres

Barak Obama a beau répéter que les déclarations enflammées de son pasteur ne «reflètent pas ses idées ni sa campagne», tout le monde s'interroge. Peut-on fréquenter pendant vingt ans un directeur de conscience aussi radical sans être sous son influence ? Obama pensait avoir répondu par un sublime plaidoyer en faveur d'une Amérique unie contre le racisme. C'était sans compter sur l'effet toxique de la «laïcité positive». Quand on s'amuse à mélanger le rationnel et le sacré, le sermon d'un pasteur sera toujours supérieur à l'aura d'un très beau discours politique...

Nicolas Sarkozy devrait méditer l'affaire Obama-Wright. Si la France se convertit à la laïcité positive à l'américaine, l'étalage de sa vie privée ne lui vaudra plus seulement de baisser dans les sondages. Il devra aussi nous présenter son directeur de conscience.

Caroline Fourest

in Charlie-Hebdo du mercredi 07 mai 2008

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